La sécurité actuelle implique-t-elle la seule police ?

22.01.2015

Et si oui, avec quels moyens ?

(22/01/15) - Revenir sur les faits meurtriers de début janvier en France me paraît utile pour - au-delà du sentiment de solidarité immédiat et de nos condoléances toutes naturelles, du traumatisme psychologique et de la psychose consécutive causés par cette violence et enfin des mesures prises dont il est légitime de se demander si elles sont adéquates et suffisantes - analyser notre revendication de réinvestissement dans la police (qui a été l’objet de plus de 10 % de réduction budgétaire sur six ans et dont on veut qu’elle livre encore 10 nouveaux %) de manière telle qu’elle offre un service à la population digne de ce nom en regard de la situation actuelle ; et aussi de la comparer à l’idée lancée par quelques-uns de « l’armée dans la rue », afin de déterminer laquelle des deux options est la plus raisonnable, car reposant sur des arguments et pas des sentiments ou, pire encore, sur du vide.Vendredi 9 janvier au soir, un ami a voulu me rappeler les mots d’André Malraux me disant : « La troisième Guerre Mondiale sera religieuse ou ne sera pas ! ». A la vérité, il se trompait partiellement car la déclaration apocryphe de Malraux est exactement : « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas. ».

Quoi qu’il en soit, le concept de guerre joint à l’idée attribuée à Malraux colle malheureusement bien à notre réalité actuelle : nous vivrions une guerre … de religion.

Attention, il n’entre pas du tout dans mon propos de juger une religion par rapport à une autre, ou de poser comme établi qu’agissant ainsi, ces assassins défendent effectivement une religion. Je suis un homme libre qui se bat journellement pour le respect de la Liberté.

Mais il faut constater que les auteurs des derniers faits – et Charb aurait probablement dit de ces faits qu’ils sont « abominablement cons », car qu’est-ce qui est plus abominable que de tuer un humain pacifique et sans défense, et qu’est-ce qui est plus con que des actes ne conduisant qu’au néant étant le néant eux-mêmes par leur nature propre - se prévalent de défendre une religion.

Serions-nous donc bien dans une guerre de religion ?

Tous les docteurs ès religion(s) le confirment au long des heures depuis lors : la religion dont question n’incite pas à la haine, et donc encore moins au meurtre. Et si l’on voulait admettre que malgré tout, dans le cadre d’une obligation d’apostasie d’une autre religion, l’homicide se justifie … alors comment expliquer qu’on tue des croyants de cette religion qu’on prétend défendre. Le non-sens total de l’acte évacue la prétention religieuse : ces assassins, manipulés et/ou convaincus, tuent pour d’autres raisons et entre autre la raison politique.

Reste l’analyse du concept de guerre. Et dès lors qu’on doit envisager des actions directes (entendez pouvant aller jusqu’à l’homicide) organisées sur une grande envergure en vue d’atteindre des objectifs stratégiques, on peut parler de guerre. Les opérations qui font rage en Syrie, Irak, … sont totalement assimilables à une guerre puisqu’il y a là même usage d’uniformes dans des unités constituées. Parlant de guerre, on pense naturellement aux professionnels formés à l’art de … la guerre, que sont les militaires. D’où l’idée émise par quelques-uns que le temps était venu d’impliquer l’armée dans cette guerre que nous vivons. Et certains d’user même d’image telle que « les militaires, seuls chiens de garde défendant de loups », image totalement inadéquate voire dénigrante vu le respect que nous inspirent ces professionnels formés, entraînés et spécialisés dans un métier exigeant et dangereux lorsqu’ils doivent entrer en action. Ce genre de simplisme cache mal la démagogie … ou la bêtise. Car si nous sommes face à une guerre, sa nature en Europe (des cellules dormantes de quelques personnes qui entrent en action d’initiative ou sur impulsion extérieure, pour des actes brefs dans le temps et d’envergure restreinte) tient de la terreur … et le terrorisme (Larousse : ensemble d'actes de violence (attentats, prises d'otages, etc.) commis par une organisation pour créer un climat d'insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l'égard d'une communauté, d'un pays, d'un système) est affaire de police.

Ça ne doit plus être démontré

Et quelques jours après les faits belges (15 janvier), nous constatons un déploiement très restreint de militaires, essentiellement axé sur la protection de lieux, alors que certains appelaient de leurs vœux un « vigipirate à la Belge », voire un « patriot act » dont on sait maintenant tous les débordements qu’il a généré. Cependant, entre le jeudi soir – moment de la décision politique – et le lundi matin – déploiement effectif des premiers soldats – le temps paraît bien trop court pour des analyses de risque valables, et il est fort à parier que seuls les éléments opérationnels auront comptés pour ce déploiement. Cela signifie donc que des travailleurs sont soumis à un risque (très) mal calculé.

En effet, il est maintenant démontré que les terroristes – motivés par de mauvaises raisons – sont prêts à donner leur vie … Imaginez un échange de tir entre les deux parties et les dommages collatéraux que cela pourrait occasionner parmi la population environnante. Puisse cela ne jamais intervenir. Cela dit et par ailleurs, nous devons aussi constater que des bourgmestres font maintenant (en ce 20 janvier) appel à l’armée « de manière préventive », comme s’ils faisaient leur shopping … donnant de facto le sentiment que le risque est finalement relatif … et on est alors en droit de se poser la question de la réelle pertinence de cette mesure spécifique. D’autant que par leurs propres décisions locales dénuées de tout fondement analysé, un lieu (par exemple) religieux, et les personnes qui le fréquentent, en tel endroit ne semble plus avoir la même valeur qu’un lieu identique en un autre endroit. Ou comment la complaisance d’une mesure est démontrée, n’en déplaise aux « va-t’en guerre » drapés des couleurs nationales usant d’un langage digne des années trente.

Tout cela étant, la conclusion qui s’impose est que « l’armée dans la rue » est un slogan démagogique, ou bête, mais certainement inadéquat en regard de la réalité de la situation. Il revient à la police d’assurer cet aspect-là de la sécurité du citoyen, pour autant qu’on lui en rende les moyens par un réinvestissement réfléchi. Cependant, l’armée peut avoir un rôle honorable à jouer dans le cadre d’une offre de services ultraspécialisés en soutien à la police, et on peut imaginer les drones, par exemple, spécialité des Forces Armées belges internationalement reconnue.

Vincent GILLES
Président National SLFP Police